Le premier article sur le compostage était disons une introduction. Dans ce second article, je vous explique comment réussir votre compost chaud pour le repiquage de vos plantes potagères gourmandes au printemps prochain mais aussi pour les plus curieux, comment initier un vermicompost. Alors prêt  à expérimenter ?

Comment réussir un compost chaud ?

Un compost chaud, pour quoi faire ?

  • pour éliminer les germes pathogènes mais surtout pour éviter les semis spontanés (par exemple la levée d’adventices si vous utilisez du foin pour réaliser votre compost, ou sinon principalement pour éviter les semis spontanés de tomates, de cucurbitacées et autres graines issues de vos déchets de cuisine).
  • le compost peut aussi être utilisé pour inoculer des micro-organismes bénéfiques et de la vie dans les sols de votre terrain et introduire, entretenir ou modifier le réseau alimentaire du sol. Cela permet ainsi de bénéficier des innombrables avantages qu’apporte le réseau alimentaire du sol : décompactage, aération, meilleure retenue et drainage de l’eau, rétention et disponibilité des nutriments. (référence [1]).

Un compost chaud, comment faire ?

En amont de la réalisation du tas de compost, mettre de côté en différents tas de pré-compostage les déchets de cuisine, les déchets verts du jardin (y compris les feuilles malades des légumes du jardin), les tailles et le cas échéant le fumier (voir tableau ci-dessous). Concernant le fumier, le choix de son utilisation reste fonction de la réponse à diverses questions : est-il d’origine biologique, les animaux sont-ils soumis à des traitements par médicaments, antibiotiques ? Savoir dans tous les cas, qu’il est possible de réaliser un compost sans fumier. Attendre d’avoir une quantité suffisante de matériaux (volume minimal de 1 m3) pour commencer le compost chaud. Ensuite, regarder le calendrier lunaire pour choisir un jour propice à l’échauffement du tas.

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Le compost sera réalisé à partir d’un mélange de matériaux verts riches en azote (déchets de cuisine, déchets verts du jardin, engrais verts, foin, fumier, tontes de gazon) et de matériaux jaunes-bruns riches en carbone (pailles, déchets de taille, feuilles). Afin d’accélérer le processus de compostage ou éviter de « trier » le compost avant utilisation, vous pouvez broyer les déchets les plus grossiers avant de réaliser le tas (en particulier pour les déchets de taille). Ceci dit, penser aussi qu’une des conditions pour réussir un bon compost, c’est que le tas soit aéré. En ce sens, la présence de déchets un peu grossiers facilitera l’aération du tas.

Monter le tas en réalisant une première couche de 20cm. Mélanger bien les différents matériaux pour que le tas soit homogène. Arroser avec de l’extrait d’ortie (ancienne appellation purin d’ortie) dilué à 10%, utilisé ici comme « activateur de compost » et compléter l’arrosage si nécessaire pour obtenir un mélange bien humide mais pas détrempé. Continuer à monter le tas pour obtenir une belle forme en dôme, optimale pour l’échauffement du tas. Il est conseillé de couvrir le tas pour maintenir l’humidité en été ou favoriser l’échauffement en hiver. Dans les régions fortement pluvieuses, couvrir le tas avec une bâche plastique. Mettre un thermomètre à confiture ou un thermomètre de sol pour suivre la température de compostage. Si tout se passe bien, le tas va alors monter très rapidement en température et atteindre 65°C en une à deux journées. La température va ensuite se maintenir à 65°C pendant 2 à 3 jours ce qui permettra la stérilisation du tas puis elle redescendra doucement. Lorsque la température avoisinera les 50°C, il sera nécessaire de rebrasser l’ensemble pour relancer une nouvelle phase d’échauffement. Lors de ce brassage, bien penser à mettre au centre du nouveau tas, les matériaux qui se trouvaient en périphérie.

Le processus de compostage en tas chaud nécessite 4 à 6 mois. Pendant cette période, ne pas hésiter à tourner le tas de temps en temps. Cela permettra de vérifier l’état du tas de compost et de réajuster si nécessaire , arroser si le tas est trop sec, ou au contraire si le tas est trop mouillé, ajouter des matériaux secs.

Après la phase d’échauffement, le compost sera colonisé par les vers du fumier (roses à anneaux blanchâtres). Les matériaux de départ seront partiellement reconnaissables mais de couleur brune. A cette étape on parle de compost demi-mûr. Il pourra déjà être utilisé selon les légumes (voir référence [2]).

Par la suite, le compost sera colonisé par les vers de terre fouisseurs, on ne pourra plus reconnaître ce qui se trouve à l’intérieur, le compost aura une consistance plus terreuse et une bonne odeur A cette étape on parle de compost mûr ou mature. Pensez qu’un compost prêt doit être utilisé car il perdra ses qualités au fil du temps. En effet, le compost produit un humus instable en voie de minéralisation rapide avec potentiellement un risque de lessivage des nutriments azotés s’ils ne sont pas utilisés rapidement (référence [3]). Le compost peut être utilisé en surface au pied des plantes gourmandes ou en couche pour faire un carré de semis.

Pour les passionnés de compostage, voir en bibliographie la référence [1] pour réaliser un compost spécialisé à dominante bactérienne pour le potager.

Un andain de vermicompost au potager ??

Un andain de vermicompost au potager, pour quoi faire ?

  • Tout comme pour le compost, pour inoculer des micro-organismes bénéfiques et de la vie dans les sols et favoriser ainsi le réseau alimentaire,
  • Le vermicompost est un compost naturellement à dominante bactérienne et donc parfait pour le potager,
  • Pour avoir moins de travail, plus besoin de retourner le tas de compost à la fourche, les eisenias* le font pour nous,
  • Pour gagner du temps, le vermicompost est prêt beaucoup plus rapidement que le compost traditionnel en tas,
  • Pour obtenir le meilleur des composts,
  • Pour la joie de voir vos vers se multiplier (dans de bonnes conditions, ils peuvent décupler en un an).

Comment réaliser un andain de vermicompost ?

Si vous pouvez vous approvisionner en fumier de cheval ou de lapin, c’est les fumiers les plus adaptés pour réaliser du vermicompost… à condition toutefois que les animaux ne soient pas vermifugés ! Dans le doute, faire pré composter le fumier en tas un mois. Prévoir un ou deux seaux selon la taille de votre famille pour faire pré composter les déchets de cuisine. Vous pouvez aussi prévoir une poubelle pour récupérer le papier toilette usagé (label éco sans chlore) et une autre pour les papiers, les cartons (non imprimés, non plastifiés), les boîtes à œufs. Vous voilà prêt à démarrer votre vermicompost !

Choisir le bon emplacement pour votre andain. Pour ma part, j’ai placé l’andain de façon à ce qu’il bénéficie de l’ombre d’un arbre et soit abrité des rayons ardents du soleil de l’ Alentejo l’après-midi. Pour initier le vermicompost, récupérer chez un voisin un seau de compost mûr colonisé par les vers du fumier, nos fameux eisenias … à moins qu’il n’y en ait déjà dans le fumier de cheval que vous avez récupéré ? Le mettre à même le sol pour débuter votre andain. La première semaine commencer par un apport modéré de déchets de cuisine et de papier toilette. Le papier permettra d’absorber l’humidité excessive des déchets de cuisine. Penser ensuite à couvrir l’andain pour l’isoler du froid en hiver et du chaud en été. Cela peut être utile aussi pour protéger les vers de leurs prédateurs naturels, les oiseaux. J’utilise des cartons non imprimés et par-dessus une bonne épaisseur de paille (5cm compactée ou 15cm en vrac). Les eisenias adorent les cartons. Lorsque le carton sera un peu décomposé, vous pourrez voir les eisenias faire la course entre les rigoles. Le carton devra être renouvelé tous les 2 ou 3 apports. Laisser le précédent en place et continuer les nouveaux apports par-dessus.

Laisser passer 3 semaines puis vous pourrez faire des apports plus conséquents (les déchets de cuisine, le papier toilette, le fumier de cheval, papier, cartons, boîtes à œufs…). Arroser le fumier de cheval pour maintenir le vermicompost bien humide. Les vers ont besoin d’environ 80% d’humidité soit une humidité supérieure à un tas de compost traditionnel. Vous pouvez saupoudrer de temps en temps un peu de sable, les grains de quartz participent au bon fonctionnement du tube digestif des eisenias. Une poignée de cendres à chaque apport peut être bénéfique pour neutraliser le pH légèrement acide des apports (références [4 et 5]).

Les eisenias ont leurs légumes préférés (pelures de melon, fanes de poireaux) et d’autres qu’ils aiment moins (oignons, agrumes) mais dans la pratique, pas la peine de vous compliquer la vie avec du tri, du pré découpage (sauf pour les trognons de choux) avec un andain de vermicompost au potager. Je mets tous mes déchets de cuisine sans distinction et tout disparaît en moins de quinze jours. Vous noterez rapidement qu’il n’y a pas que les eisenias qui travaillent !

Monter l’andain jusqu’à une hauteur de 90cm puis commencer un nouveau tas dans le prolongement. Si vous avez suffisamment de place, vous pouvez faire progresser votre andain pour faire une boucle. Si vous souhaitez commencer à utiliser le vermicompost, cessez de maintenir l’humidité au début de l’andain. Les vers migreront au fur et à mesure vers les apports les plus récents.

Si pendant une période vous avez des invités et un apport exceptionnellement plus important, ne mettez pas cet apport sur l’andain au risque de démarrer un compost chaud et de griller vos vers préférés ! Vous pouvez soit réserver cet apport pour un compost chaud ou simplement mettre cet apport dans le prolongement de l’andain.

A mon sens, le vermicompost en andain peut entièrement remplacer le compost traditionnel et permettre de composter une grosse quantité de matières, surtout si vous pouvez vous fournir en fumier de cheval. Le seul inconvénient que je lui connaisse est de ne pas monter en température, il n’y a pas la phase de stérilisation du compost chaud pour éviter les germes pathogènes et les graines d’adventices. Pour les germes pathogènes, cela ne me semble pas problématique au vu de mon expérience et selon des études actuellement réalisées aux USA, les matières rejetées par les vers ne présenteraient aucune trace d’organismes pathogènes (voir référence [5]), quant aux levées de graines indésirables, cet inconvénient peut être pallié par la technique du faux semis si vous l’utilisez pour un carré de semis.

La suite des expérimentations…

Et si on essayait un jardin sans compost ? C’est sur cette boutade que je terminerai cet article. Certes, le compostage restera dans tous les cas utile à plusieurs titres, pour s’intégrer au flux du vivant du jardin à la table au jardin, pour recycler nos déchets, pour faire nos semis, à titre éducatif, … mais nous verrons au fil des articles sur le jardinage vivant que nous pouvons créer un jardin vivant et riche, ou l’humus est entretenu naturellement par le BRF, par les couverts végétaux permanents. En effet, « tous les résidus de culture, les déchets ménagers et les tailles de haies (non broyés s’il sont herbacés, broyés s’ils sont ligneux), peuvent se composter au sol. Non seulement le travail est quasi supprimé, mais surtout la stimulation de la vie au sol est très supérieure » (référence [6]). Alors à bientôt pour un prochain article !

Murielle LEKIEN, jardinière expérimentatrice.

*Eisenia fetida, c’est le ver du fumier. C’est pour cela que l’on parle de vermicompost et non plus de « lombricompost ». Le terme « lombric » recouvre différentes espèces de vers de terre classées selon leur mode de vie : épigés, vivant dans les matières organiques superficielles tel Eisenia, endogés, dans les galeries sub-horizontales du sol et anéciques, vers de grande taille qui creusent des galeries verticales profondes, comme le lombric des jardins. (référence [4])

Bibliographie, pour aller plus loin…

  • référence [1] : « Collaborer avec les bactéries et autres micro-organismes » de Jeff Lowenfels (Auteur), Wayne Lewis (Auteur), Jean-René Dastugue (Traduction), livre technique de référence, un des meilleurs sur la microbiologie des sols. Vous y trouverez une partie sur comment réaliser des composts plus spécialisés, à dominante bactérienne (pour les légumes du jardin) ou à dominante fongique (pour les arbres fruitiers).
  • référence [2] : « Le guide du jardin bio : Potager, verger, ornement » de Jean-Paul Thorez et Brigitte Lapouge-Déjean, un classique pour jardinier débutant ou expérimenté.
  • Référence [3] : « Le génie du sol vivant » de Bernard Bertrand et Victor Renaud.
  • Référence [4] : « Lombricompost pour tous » de Jean-Paul Collaert
  • Référence [5] : « Le jardin naturel » de Jean-Marie Lespinasse
  • Référence [6] : « Guide du nouveau jardinage sans travail du sol, sur couvertures et composts végétaux » de Dominique Soltner.

 

 

 

 

 

 

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