Cet article est le troisième d’une série d’articles pour partager notre expérience de vie concernant la création d’une Oasis en tous lieux au Portugal, ou comment nous essayons d’incarner nos rêves. Ce troisième article présente comment s’est déroulée notre arrivée sur le lieu et comment cela nous a impacté : notion de temps, respect de nos rythmes biologiques, émerveillement de ce contact intense avec la Nature…

Afin d’être libre de tout prêt bancaire, nous avons choisi d’acheter dans notre budget, une ruine, sans électricité et sans eau courante. Nos critères étaient de trouver un terrain qui soit assez grand pour ensuite être une belle place pour un écolieu et y vivre à plusieurs, qui présentait de l’eau, des arbres et bénéficiait d’un climat suffisamment clément pour y faire pousser de nombreuses plantes. Nous avons trouvé notre petit coin de Paradis à 100kms au Sud de Lisbonne et 10kms de l’Océan Atlantique, plus de 7 hectares, au milieu d’une forêt de chênes liège. La Quinta (ferme en portugais) comporte une orangeraie aménagée par des terrasses agricoles comme on n’en fait plus maintenant, avec un linéaire de murs en pierres important. Elle est très diversifiée d’un point de vue botanique : chênaie, oliveraie, orangeraie en terrasses envahie par les ronces, quelques zones dégagées qui étaient (sur)pâturées . Elle dispose aussi de la ressource essentielle dans cette zone méditerranéenne, l’eau, avec 3 sources et deux « barrancos » (sorte de ruisseaux qui coulent pendant la période hivernale ou en cas de fortes pluies), des bassins de retenue d’eau, un puits. Outre une ruine en pisé, nous avons aussi un bâtiment plus récent sur pied qui nous a permis de nous mettre à l’abri de suite.

J’ai pris quelques notes à notre arrivée pour garder en mémoire les débuts de ce gros changement, ci-contre un mini extrait de l’arrivée : « Calfeutrage des fenêtres, pose d’une vitre dans la chambre, une bâche par terre, le sommier, le matelas, duvet et couette… le lit est fait. Mais les hirondelles avaient recommencé à faire leur nid dans la maison et ne peuvent plus rentrer. L’une d’elles rentre par la porte et se retrouve coincée contre la vitre de la chambre. Je l’attrape dans mes mains pour la remettre dehors, instant magique, elle n’a pas peur, bleu métallisé sur le dessus de la tête, rouge dessous. Elle reprend son envol ».

 Notion de temps

Le premier changement important a concerné la notion de temps. Ma montre s’est définitivement arrêtée lors du trajet du déménagement, l’ancienne pendule de la cuisine est toujours au fin fond d’un carton de déménagement, sans téléphone, nous voilà sans aucun repère horaire à travailler sur cette notion du temps. Ce n’est pas un hasard, la région de l’Alentejo invite à cette remise en question de nos vies effrénées, les gens prennent le temps de vivre. Notre séjour à l’Oasis a ainsi commencé sans référence horaire. Pour connaître l’heure, nous allions de temps en temps voir le tableau de bord de la voiture pour finalement nous dire que tout ceci n’avait vraiment aucune importance. Depuis nos débuts à l’Oasis, nous avons aussi trouvé que le temps passait ici de façon très intense, les 3 premiers mois nous ont semblés être 3 années. Je n’ai pas trouvé d’explication à ce phénomène qui perdure toujours 3 années après. Le temps semble ici avoir une dimension différente. Par ailleurs, notre nouveau mode de vie fait que les notions de jours de la semaine, de WE, de vacances, et étant dans un autre pays, toutes les références françaises « fête des mères et autres » sont difficiles à suivre et paraissent dénuées de sens. Je ne compte plus le nombre de changements d’heures que nous avons loupés.

 

Respect de nos rythmes biologiques

033_crepusculeDe ce travail sur la notion de temps découle le respect de nos rythmes biologiques. Nous avons pris l’habitude de manger, d’aller dormir, de nous réveiller aux heures qui nous convenait. Nous nous sommes mis naturellement en phase avec les rythmes naturels. Le fait de ne pas avoir d’électricité, peu de lumière le soir, de travailler en extérieur avec une fatigue corporelle fait que l’on se couche tôt et on se réveille, c’est incroyable mais vrai, quelques minutes avant que le soleil ne pointe à l’horizon. A noter que l’arrivée de l’électricité et d’internet il y a quelques mois m’a personnellement quelque peu déphasée.

 

 

 

 

Émerveillement de ce contact intense avec la Nature

faune_salamandreLa principale richesse de cette belle expérience de changement de vie a été cette reconnexion avec la Nature. Vivre au milieu de cette nature sauvage et préservée est une source d’émerveillement continuelle.

Pendant que j’écris ces lignes, un rougequeue noir se pose à 1m de moi. Ces moments sont toujours furtifs et par là-même difficiles à partager. Il me faut apprendre à « juste être là » et savourer ces cadeaux de la nature, instants merveilleux de contemplation.

Je tente ci-dessous de vous faire partager par l’écriture quelques instants natures :

Lorsque que nous nous sommes installés, la maison n’avait pas été habitée depuis longtemps, sans porte étanche et sans fenêtre. Elle comportait donc un certain nombre de locataires dont il était difficile de partager les habitudes. Notamment pour se mettre au chaud lorsqu’il fait froid dehors, difficile de garder les fenêtres constamment ouvertes pour les entrées et sorties des hirondelles le jour et des chauves-souris la nuit. Quant aux souris, nous pouvions partager quelques victuailles mais elles ont tendance à laisser des crottes dans les paquets !

Nous ne garderons que la mini salle de bain avec une fenêtre sans vitre donnant sur l’extérieur en accès libre (la seule pièce où les nids n’avaient pas été détruits par le nettoyage du propriétaire précédent) … et nous aurons bientôt la joie de voir (par le trou de la serrure) et d’entendre un couple d’hirondelles rousseline s’y installer et trois petits y naître.

faune_bebes hirondelle

Les 3 petits d’hirondelle rousseline qui sont nés dans la salle de bain le premier printemps à l’Oasis

Quel plaisir, simplement regarder le soleil se lever, écouter les chants des oiseaux le matin, entendre la chouette hulotte et les grenouilles la nuit, être beaucoup plus connectés à notre environnement. Le fait de dormir dehors est une belle expérience aussi, on se réveille « rechargés », ce n’est pas pareil que de dormir dans une maison, on est plus en forme le matin.

La découverte de notre nouveau milieu a passé aussi pour ma part par la rédaction du mémoire de fin d’étude d’herbaliste de l’Ecole des plantes médicinales de Lyon avec la détermination de plus de 150 plantes et de leurs usages traditionnels : culinaires, médicinaux et autres (tinctoriaux, cosmétiques, vannerie …), l’idée principale étant d’acquérir les connaissances indispensables pour vivre en harmonie au sein de cet environnement méditerranéen.

 

Au final, nous avons vécu deux années et demi sans électricité et sans eau courante. Cela nous a permis de repenser tous nos choix de A à Z, d’être définitivement plus économes avec nos ressources eau et énergie. C’est une belle expérience que je ne regrette pas, qui me laisse plus forte et capable de m’adapter à des situations qu’auparavant j’aurais trouvées délicates.

Si je devais résumer nos débuts, nous avons vécu dans l’émerveillement de ce contact intense avec la Nature et nous nous sommes trouvés bien plus rustiques que nous ne le pensions. Sans doute que lorsque c’est un choix, et bien l’on supporte sans encombre l’absence de salle de bain, de douche, de chauffage, d’électricité, d’eau courante… et au final, nous nous sommes enrichis d’une expérience inestimable.

Nous verrons dans les prochains articles dans quelle mesure ce changement de vie nous a impacté en termes psychologiques : déconstruction de la « persona » sociale, mise à nue face à soi-même… puis je vous partagerai une réflexion sur la cohérence entre les idées, les paroles et les actes, comment « marcher sa parole ».