Introduction

Le jardinage aujourd’hui mérite d’être repensé globalement, ceci pour de multiples raisons, face aux produits désastreux pour l’environnement comme pour notre santé qui ont été utilisés les décennies précédentes. Face à l’évolution globale de la pensée, le regard sur le jardin doit aussi évoluer.

Le jardin doit maintenant être considéré comme un véritable écosystème et toutes les actions du jardinier doivent viser, rétablir et maintenir l’équilibre de cet espace vivant afin d’éloigner le plus possible les invasions microbiennes et parasitaires qui peuvent survenir au niveau des plantes potagères. Par exemple, on ne cherchera pas à éradiquer une population de ravageurs mais plutôt à la réguler. Les extraits végétaux seront une aide précieuse pour cela.

Un être vivant ne sera en bonne santé que s’il est nourrit correctement. Ainsi pour favoriser la bonne santé des plantes potagères, le jardinier doit penser à les nourrir correctement. Dans cette optique, les extraits végétaux seront aussi d’une grande aide. Ils font partie intégrante du régime Alimentation Vivante des légumes !

Quelques notions sur les extraits végétaux

Un extrait végétal est réalisé à partir d’une plante fraiche ou sèche mise à fermenter dans de l’eau pendant une certaine période de temps avec brassage afin que la fermentation soit aérée. Les extraits végétaux sont donc des produits vivants, issus d’un processus biologique, la fermentation. Le processus de fabrication est essentiel pour obtenir un extrait végétal de qualité (tout comme pour réussir une bonne choucroute).

La plupart des extraits végétaux assument une fonction stimulante : ils stimulent les défenses naturelles de la plante. Ce sont aussi des biostimulants, ils stimulent la croissance de la plante. Enfin, ils réactivent la flore microbienne du sol et revitalisent le sol, milieu nutritif de base de tout végétal.

En général, les extraits végétaux ont aussi une action sur les insectes, les parasites et les maladies. Ils peuvent être selon les cas insecticides, insectifuges, répulsifs, fongicides, antibactériens ou avoir une action spécifique sur certaines pathologies.

Ainsi les extraits végétaux pourront être utilisés :

  • pour nourrir le sol,
  • pour aider les plantes aux étapes difficiles (semis, repiquage, plantation, greffe, taille, débourrage),
  • pour intervenir en cas de ravageurs. Dans ce cas, il sera nécessaire de choisir l’extrait végétal approprié, ceci notamment en tenant compte des observations, par exemple, la densité des populations de ravageurs.
  • pour intervenir en cas de pathologies. Dans le cas d’une plante malade, on apportera d’abord un extrait qui guérit puis quelques jours plus tard un stimulant.

Ils seront applicables pour les plantes potagères mais aussi pour les arbres, les arbustes et les haies, les arbres fruitiers, les rosiers, les jardinières… et bien que ce ne soit pas l’objet de cet article, ils peuvent être utilisés pour les animaux d’élevage.

Les avantages des extraits végétaux sont évidents et multiples : ils permettent au jardinier d’être plus autonome et indépendant des circuits commerciaux (*), ils sont économiques, faciles à préparer, à la portée des enfants, ils utilisent les dites mauvaises herbes, agissent sur le long terme et de façon globale, sont biodégradables à 100% et ne présentent aucune toxicité.

Petit exercice de calcul non anodin :

Dans le cas des applications de bouillie bordelaise (en général utilisée en préventif contre le mildiou), l’ajout de purin d’ortie permet de diminuer les doses de bouillie bordelaise par 10, ce qui est loin d’être négligeable, voyons par le calcul un exemple parlant !

Sachant que :

  • les limites admissibles en agriculture biologiques sont de 6 kg/ha/a,
  • le dosage préconisé de la bouillie bordelaise est de 10g/litre d’eau,
  • La bouillie bordelaise comporte 20% de cuivre,

Combien un jardinier pulvérise de cuivre sur une saison en comptant un traitement tous les 15 jours dès la mi-printemps jusqu’à la fin de l’été. Quelques données : jardin de 100m2, 8 passages, 1 passage correspond à 24l de bouillie pulvérisée. Faire la comparaison avec la dose admise en AB.

Nota : un usage répété de la bouillie bordelaise conduit à une accumulation du cuivre dans le sol, car ce métal ne se dégrade pas, hormis en milieu acide, et est conservé dans le sol. Ces concentrations peuvent être toxiques pour les micro-organismes du sol, pour certaines cultures comme la vigne ainsi que pour les animaux et les poissons. Le cuivre peut aussi tuer les vers de terre qui jouent un rôle important dans l’entretien du sol, de même inhibe-t-il l’activité de nombreuses bactéries et champignons utiles comme auxiliaires de l’agriculture. A noter aussi que le cuivre est reprotoxique (efficacité contraceptive des stérilets de cuivre).

Les extraits végétaux en pratique

La fabrication

De préférence, réaliser les extraits en lune descendante et croissante. Choisir un endroit où la température sera entre 15 et 35°C.

  • Mettre 1kg de plantes fraiches (soit 100-200g de plantes sèches) pour 10 litres d’eau. Privilégier dans la mesure du possible les plantes fraiches, l’extrait sera de meilleure qualité. Employer de préférence de l’eau de pluie, surtout pas d’eau calcaire. Si c’est de l’eau de ville, l’aérer entre 2 à 4 jours pour évaporer le chlore.
  • Réaliser de grandes quantités d’extraits est plus facile. Utiliser par exemple de grands bidons en plastiques de 50 à 200l. Ils doivent comporter un couvercle non étanche. Pour éviter les odeurs des extraits végétaux, il est possible d’ajouter une petite poignée de sauge au bout de 4 à 5 jours,
  • Brasser au moins une fois par jour plusieurs minutes, en profiter pour examiner s’il y a encore au début du brassage, les petites bulles de fermentation qui remontent. Ne pas confondre avec les grosses bulles du brassage,
  • Laisser fermenter de 5 à 30 jours. En général à une température de 18-20°C, la durée de fermentation est de l’ordre de 15 jours. Plus il fait chaud, plus le processus est rapide,
  • Lorsqu’il n’y a plus les bulles de fermentation, soutirer et filtrer. Le délai pour filtrer est de 2 jours mais s’il fait très chaud, à faire dans les 4h. Au-delà, attention, risque de putréfaction !
  • Conserver en cave dans des bidons de 5 litres ou dans des bouteilles de limonade. Les extraits peuvent se garder un an. Surveiller les nouvelles fermentations, ouvrir le cas échéant les bouteilles pour faire dégazer.

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Heureusement des bonnes orties une valeur sure.

L’utilisation, les principes à respecter

Rappelons que l’essentiel reste de cultiver des plantes adaptées au sol et au climat. Les extraits végétaux ne peuvent remplir que leur rôle, à savoir stimuler ou nous aider à retrouver l’équilibre de l’écosystème. Ils ne peuvent pas compenser les erreurs ou inepties culturales.

Selon l’action visée, choisir le mode de traitement (pulvérisation foliaire ou arrosage au sol) ainsi que la dilution. Pour une pulvérisation foliaire, ajouter au mélange un mouillant (liquide vaisselle bio, argile verte, savon noir). Traiter de préférence par temps couvert ou après une pluie. On ne traite pas des plantes souffrant de sécheresse . Si les plantes ont soif, arroser copieusement la veille. Par canicule, traiter avant 7h du matin ou tard le soir. Pour une culture de plantes potagères, de fleurs, et une visée stimulante, un passage tous les 10 à 15 jours est une bonne fréquence.

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Les principaux extraits pour commencer

Les principales plantes utilisées pour les extraits végétaux sont : ortie, consoude, fougère aigle, prêle des champs, tanaisie, ail, pyrèthre. Pour se familiariser avec la réalisation des extraits, il est conseillé de commencer avec peu de plantes, l’ortie et la consoude étant les plus importantes.

L’extrait d’ortie (Urtica dioica)

Pour l’ortie, 800g de plantes fraiches pour 10 litres d’eau suffisent.

  • Fortifie, stimule la flore microbienne du sol,
  • Stimule la végétation (amélioration de la fonction chlorophyllienne),
  • Bon activateur de compost,
  • Favorise la germination des semences (carotte, fèves, haricots, mâche…),
  • Renforce les défenses immunitaire des plantes,
  • A utiliser en pralinage (arbres, poireaux, choux, salades, tomates).

5% en pulvérisation foliaire, 10% en arrosage des plantes et du compost.

L’extrait de consoude (Symphytum officinale)

  • Stimule la flore microbienne du sol,
  • Stimule la végétation, le développement foliaire des cultures,
  • Stimule la pousse des semis
  • Bon activateur de compost,
  • Favorise la maturation des tomates, céleri, choux.
  • Favorise la mise à fleurs et la fructification.

5% en pulvérisation foliaire, 20% en arrosage des plantes, du compost.

Et si les extraits vous tentent, n’hésitez pas à lire : « Les plantes au secours des plantes, PURIN D’ORTIE & CIE » de Bernard Bertrand, Jean-Paul Collaert, Eric Petiot aux éditions de Terran.

Murielle LEKIEN, jardinière expérimentatrice.

(*) est-ce pour cette raison qu’ils sont interdits à la vente par l’administration française ? en 2007, donner la recette du purin d’ortie à son voisin et lui expliquer à quoi cela sert est passible de 2 ans d’emprisonnement et 75000€ d’amende… (pour plus d’infos sur le sujet, voir www.aspro-pnpp.org). En tout cas, c’est que les extraits doivent être super efficaces pour faire aussi peur aux lobbys phyto-agro-industriels, alors tous à vos bassines !

Solution : 384g de cuivre soit plus de 6 fois la dose admissible en AB !! Avec du purin d’ortie et donc en divisant la dose de bouillie par 10, on respecte les préconisations de l’agriculture biologique et les vers de terre nous remercient !