Cet article est le premier d’une série d’articles pour partager notre expérience de vie concernant la création d’une Oasis en tous lieux au Portugal ou comment nous essayons d’incarner nos rêves. Ce premier article concerne la prise de décision, comment avons-nous  pris la décision de nous lancer dans l’aventure ?

Dans le livre « Vivre autrement : écovillages, communautés et cohabitats », Diana Leafe Christian nous apprend que 90% des projets de communauté échouent. C’est beaucoup ! tant de rêves qui ne prennent pas forme. Nous en avons eu conscience avant de lancer le projet de l’Oasis lors d’une réunion de retour d’expérience de projets d’écolieux à Die dans la Drôme. Les histoires des uns et des autres se ressemblaient,  constitution d’un groupe, de nombreuses réunions parfois sur des années, des recherches de lieu et souvent au moment de signer … plus grand monde. Alors nous avons pris le parti de commencer à l’envers et de chercher un lieu. Cet été-là, nous avons visité le nord du Portugal, l’été suivant le Sud.

trop_bellePuis j’ai été très affectée par la perte soudaine d’un proche, un moment où la vie semble s’arrêter, ou l’on remet les pendules à l’heure comme on dit. Il avait travaillé comme un fou toute sa vie et c’est au moment de la retraite après avoir trouvé son petit coin de paradis qu’il a terminé son expérience terrestre. C’est à ce moment-là que je me suis dit que l’on ne devait pas attendre pour essayer de vivre ses rêves.

Toutes nos limitations sont mentales. Nous avons donc à travailler sur nos filtres mentaux et arrêter les « je ferais çà quand… quand j’aurais 35 ans, quand les enfants seront plus grands, quand j’aurais remboursé la maison, quand je serais à la retraite,… ». Allons, soyons honnêtes avec nous-même, autant dire de suite, « quand les poules auront des dents ! ». Cela a déjà été dit et redit, mais c’est vraiment vivre l’instant présent et surtout ne pas attendre de mourir pour vivre ses rêves. Voilà une des premières intentions à l’origine du projet de l’Oasis « Rêver sa vie et vivre ses rêves ». Cet été-là, nous sommes partis sans date de retour.

Nous avons visité une quarantaine de Quintas (ferme avec terrain en portugais), dont l’une d’elle le jour de l’anniversaire de Jorge et avec un coup de cœur pour moi face aux chênes-liège majestueux et la sensation d’un appel face cet océan de ronces qui engouffrait les quelques arbres fruitiers restants.

Et quand les choses doivent se faire, elles se font. Nous avons signé le compromis d’achat de cette Quinta sans avoir l’argent disponible de suite et en prenant donc le risque de perdre 10%. Nous nous sommes laissés un délai maximum de 4 mois entre le compromis et l’achat, ce qui nous laissait un mois pour vendre notre maison en France… que nous avons vendue en 3 semaines ½ ! Le projet prenait ainsi son départ avec la création de l’Oasis dos 3 sobreiros (Oasis des 3 chênes).

 

Voilà 3 ans aujourd’hui que nous sommes installés à l’Oasis. Comment nous sommes-nous lancés dans ce projet, comment avons-nous réussi à prendre la décision de tout quitter et de changer de vie, de se lancer dans l’aventure ? qui plus est, de changer de pays ?

Je me souviens avoir expérimenté un outil décisionnel efficace, la technique des 3 chaises de Guy Corneau*. On installe 3 chaises les unes à côté des autres,

  • celle du milieu, c’est la chaise du choix qui représente son intention consciente. « C’est la place neutre et bienveillante, à partir de laquelle on peut tout recevoir de ce qui se passe en soi, autant les craintes du personnage que les élans créateurs venus de l’individualité profonde. C’est un poste d’observation et de présence à soi. C’est là que l’on se souvient selon quels idéaux on veut vivre et que l’on comprend la nature des freins qui nous ralentissent ».
  • la chaise de droite celle de l’élan créateur, du guide intérieur,
  • celle de gauche, celle des peurs, des craintes, des regrets, des compensations.

On s’assoit sur la chaise du milieu puis successivement sur chaque chaise et on commence un dialogue avec soi-même pour exprimer toutes les facettes de notre personnalité qui influencent le choix, les mettre en lumière et prendre notre décision en toute conscience. Il est possible de faire l’exercice avec un observateur qui prend note des points clefs du dialogue.

 

Cette capacité à prendre le rôle de l’observateur me semble capitale. C’est cette capacité qui nous permet de changer de regard sur une situation, d’avoir une attitude mentale plus souple. C’est aussi être dans l’acceptation de ce qui est et savoir le vivre du mieux possible, changer notre regard sur une situation vécue, une sorte de lâche prise sur le scénario, de confiance. Je me dis souvent que mon « âme » (chacun y mettra le mot qu’il souhaite, âme, guide intérieur, femme sauvage**…) choisit toujours le meilleur chemin pour moi même si je ne comprends pas forcément de suite en quoi cette situation peut être la meilleure pour moi… parfois c’est le meilleur en terme d’évolution spirituelle.

 

Peut-être pourrions-nous aussi nous arrêter quelques instants sur nos personnalités : sans doute un côté un peu rêveur, naïf, utopiste, un côté déconnecté de la réalité (notamment par l’absence de télévision) et donc pas de peur ankylosante qui ne nous appartiennent pas et un soutien, une influence récipropre (nous allions tous les deux dans le même sens).

Ajoutons par ailleurs un contexte de vie plutôt facilitant : n’ayant pas d’enfants nous n’avons que nous à gérer (je tire mon chapeau aux projets où l’on embarque toute la famille, çà se fait mais c’est d’autant plus courageux, et, c’est sûr, une belle expérience de vie pour tout le monde), de l’argent de côté, la possibilité pour moi de retrouver un poste de travail dans mon ancienne entreprise, au cas où, les premières années.

 

Fleur de digitale

Fleur de digitale

Pour résumer et essayer de définir ce qui nous a aidé dans notre prise de décision, je relève les points suivants :

  • l’exercice des 3 chaises et prendre le regard de l’observateur afin de se départir de ses limitations mentales, tout est possible, nous créons notre réalité,
  • se donner droit à l’erreur, dédramatiser, on essaie et si çà marche tant mieux et si cela ne marche pas, on arrête et on repart sur autre chose,
  • Un garde-fou, une solution de secours. Tenir compte de ses peurs et y répondre concrètement.
  • Etre réaliste et pragmatique, notamment en termes financiers : pas de revenus pendant x années = montant d‘économies pour d’une part assurer sa survie et d’autre part pour la mise en place du projet à court/moyen terme en attendant qu’une nouvelle activité prenne le relai et assure la viabilité économique du projet.

 

Je conclurai en rappelant que changer de vie, ce n’est pas un but en soi. On peut changer de vie en restant dans son contexte, par petites touches !

 

*Livre « Le meilleur de soi » de Guy Corneau.

** Concept tiré du livre « Femmes qui courent avec les loups » de Clarissa Pinkola Estès.

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