Cet article sur les semences hybrides à stérilité mâle cytoplasmique est le 3ème article d’une série sur les semences, un enjeu sociétal essentiel, afin que vous puissiez faire vos choix (culture, achat de légumes) en ayant conscience des problématiques qui se cachent derrière.
- Partie 1 : Les semences anciennes
- Partie 2 : Hybrides, OGM et flou juridique
- Partie 3 : Quand les hybrides fleurtent avec les OGM
Je me suis bien trituré les méninges afin de parler avec simplicité d’un sujet difficile techniquement et le rendre abordable. Prenez votre temps pour lire cette série d’articles même si c’est un peu plus difficile que d’ordinaire. Il y a beaucoup de bonnes raisons de prendre connaissance de ce sujet : prendre soin de votre corps, ce que nous laisserons aux enfants demain, soutenir les paysans…
Curiosité végétale, les eunuques dans la Nature
Avant de parler sexe, un petit rappel d’anatomie végétale s’impose. De nombreuses espèces végétales comportent des fleurs hermaphrodites mâles ET femelles. Le caractère mâle est porté par les étamines avec à leur extrémité les sacs de pollen. Le caractère femelle est porté par le pistil avec à sa base l’ovaire contenant les ovules, qui, une fois fécondés par le pollen se transformeront en graines. Ces bases étant posées, je vais vous raconter une petite anecdote.
En cette belle journée de printemps, je pars me promener sur le sentier forestier qui monte au-dessus de chez nous avec mon appareil photo équipé de sa lentille macro. J’ai repéré de magnifiques asphodèles dont les hampes florales sont en plein épanouissement. Avec l’Océan en fond et les contrastes de couleur de ce matin, c’est possible de réussir de superbes photos. Me voilà donc partie à la recherche d’une belle asphodèle, star du jour. Je m’approche d’un bel exemplaire en bord de chemin, « Hum bizarre. C’est raté pour la photo ». Je passe donc mon chemin et j’en trouve une autre un peu plus loin « Pareil ! C’est bien bizarre ce phénomène ! ». Je reste un bon moment en arrêt devant la plante, je ne comprends pas ce que j’observe. Pourquoi toutes les étamines sont sans leur sac de pollen ? On dirait que cette plante est stérile tout comme la première que j’ai observée en contrebas. Je n’ai jamais observé ce phénomène sur une plante.
Vraisemblablement, je venais d’observer sans le savoir pour la première fois de ma vie une plante à stérilité mâle. Cette stérilité se trouve naturellement chez certaines plantes sauvages ou cultivées (radis, carotte).
Ce que les Hybrides vous cachent, la stérilité mâle cytoplasmique
Pour faciliter la reproduction des semences hybrides, ce phénomène de stérilité mâle a été repris par les labos qui ont mis au point une technique au nom évocateur de Stérilité mâle cytoplasmique ou CMS en anglais. C’est quoi ce truc encore ?
Les plantes qui ont le caractère CMS ne produisent pas de pollen tout comme les asphodèles que j’avais rencontrées. Elles sont donc femelles et ne peuvent être pollinisées que par des plantes fleurissant en même temps qu’elles et qui ne sont pas mâle-stériles. Cette technique permet donc de croiser deux lignées et d’éviter les autofécondations (voir la figure 1).
L’information génétique du caractère CMS n’est pas portée par les chromosomes du noyau cellulaire : il se trouve sur de l’ADN contenu dans de petits organes du cytoplasme de la cellule, les mitochondries, d’où son nom.
La CMS peut être réalisée :
- Par CMS naturelle dans l’espèce : carotte, fenouil, oignon, radis
- Par CMS d’une espèce voisine et transférée à l’espèce cultivée par croisement naturel : tournesol cultivé dont la CMS vient d’un tournesol sauvage
- Par CMS induite en labo par biotechnologie : irradiation, décharge électrique, traitement chimique
- Par CMS provenant d’une autre espèce transférée en labo par biotechnologie : CMS de tournesol dans des chicorée endive ou des chicorée à café, CMS de radis dans des choux, des navets, du colza, CMS d’oignon dans des poireaux.
Exercice d’application avec les hybrides trafiqués
Revenons à nos hybrides et à nos deux plantes parentales clones, avec une lignée femelle et l’autre mâle.
La castration manuelle ou mécanique (pratiquée par exemple chez le maïs) ou chimique (pratiquée chez le blé) n’est pas toujours facile ou possible. C’est là que la CMS devient spécialement intéressante en termes stratégiques et financiers (gain de temps) pour produire des semences hybrides F1.
Si les plantes de la lignée B ont le caractère CMS, elles ne produisent pas de pollen. Elles sont donc femelles et ne peuvent être pollinisées que par des plantes fleurissant en même temps qu’elles et qui ne sont pas mâle-stériles, en l’occurrence les plantes de la lignée A.
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Nota : je ne suis pas une spécialiste du domaine, mais une simple jardinière qui essaie de retransmettre en termes simples ce que j’ai pu comprendre avec mon background d’ingénieur. Si vous êtes un lecteur averti sur le sujet, un paysan semencier, n’hésitez pas à poster votre éclairage sur le sujet et apporter votre contribution à cet article !
Nota bis : j’ai suivi une année de formation agricole en 2009/2010, le BPREA (Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole) et en un an de formation à temps complet, on ne m’a jamais parlé des hybrides à CMS …
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